Vers un nouvel ordre nucléaire
Vers un nouvel ordre nucléaire ?
L’essai nucléaire auquel a procédé la Corée du Nord en octobre 2006 et la poursuite par l’Iran de son programme d’enrichissement de l’uranium en dépit des réprimandes du Conseil de Sécurité de l’ONU ont mis en évidence la crise du régime de non-prolifération des armes nucléaires institué dans les années 1960. A l’époque, les deux grandes puissances, - Etats-Unis et Union soviétique - avaient pris l’initiative de la conclusion d’un traité par lequel les Etats dotés de l’arme nucléaire (EDAN) prendraient l’engagement de ne rien faire pour favoriser sa dissémination tandis que les Etats non dotés de l’arme nucléaire (ENDAN) renonceraient à y accéder. L’objectif poursuivi était la préservation du statu quo stratégique et la stabilisation de l’équilibre sur lequel reposait la dissuasion réciproque entre les deux camps de la guerre froide et pour l’atteindre il s’agissait essentiellement de dissuader les puissances industrielles de l’hémisphère Nord d’entrer dans la carrière de l’atome militaire en leur offrant des garanties de sécurité et en affirmant le droit inaliénable de toutes les parties contractantes d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) était chargée de veiller au respect des engagements pris par les ENDAN en exerçant un contrôle sur l’ensemble de leurs activités nucléaires pacifiques selon les modalités prévues par des accords de garanties conclus entre l’Agence de Vienne et les Etats concernés. Enfin, les Etats parties au traité de non prolifération (TNP), ouvert à la signature le 1er juillet 1968, s’engageaient à « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire », le processus ainsi amorcé devant s’inscrire dans la perspective d’un « désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace » (article VI).
Un traité controversé
Le TNP avait suscité d’emblée des réserves du fait de son caractère discriminatoire et de nombreux Etats qui disposaient des capacités scientifiques et techniques nécessaires pour se doter de la bombe n’y avaient pas adhéré. Cependant, dans les années qui ont suivi son entrée en vigueur (mars 1970), la plupart des candidats potentiels à l’arme nucléaire ont renoncé à exercer cette option et on était enclin à considérer que le traité offrait un cadre juridique et technique approprié pour empêcher l’élargissement du club atomique. L’essai nucléaire effectué par l’Inde en 1974 a ébranlé cette conviction et a conduit les Etats à prêter une attention accrue aux risques de prolifération dans les pays du Tiers-Monde. C’est pour les conjurer que les principaux fournisseurs de matières, d’équipements et de technologies nucléaires réunis au sein du « club de Londres » (Nuclear suppliers group) ont décidé de renforcer les contrôles à l’exportation et le code de conduite adopté en 1975 marquait une inflexion significative de la politique menée par les grandes puissances pour contenir la prolifération. Désormais, il s’agissait moins de se fier aux mécanismes du TNP pour empêcher l’accès de nouveaux Etats à l’arme nucléaire que de réglementer le commerce nucléaire pour éviter qu’il soit détourné à des fins militaires.
Certes, on continue de présenter le traité comme le pivot du régime de non-prolifération, mais celui-ci est entré depuis longtemps dans l’ère du soupçon. Dans le rapport d’un groupe d’experts sur le rôle des Nations Unies dans l’organisation de la sécurité internationale rendu public le 2 décembre 2004 (A more secure world : our shared responsibility), on a souligné les vicissitudes qu’il a subies du fait du non respect des engagements pris par certains Etats tels que l’Irak, la Libye et l’Iran, de la revendication par la Corée du Nord du statut d’Etat doté de l’arme nucléaire après son retrait du traité, de l’impact des attentats du 11 septembre 2001 sur le système international et de la diffusion mondiale des technologies permettant la mise au point d’armes de destruction massive. Après l’échec de la conférence d’examen du TNP qui s’est tenue à New York du 2 au 27 mai 2005, la crise du régime de non-prolifération a pris un tour aigu et des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour mettre en question un traité qui ne remplit plus son office et semble voué au dépérissement.
Ainsi le chercheur sur la paix allemand, Harald Müller, estime que le sort du TNP est scellé et le stratégiste australien, Michael Wesley, propose de l’abolir et de lui substituer un régime « réaliste » qui répondrait mieux aux nécessités de la lutte contre le terrorisme nucléaire. D’autres adoptent une position moins tranchée et, tout en reconnaissant l’utilité du TNP comme garant de la norme internationale, estiment qu’il n’a plus de valeur opératoire et qu’il faut recourir à d’autres méthodes pour relever les défis du « deuxième âge nucléaire ». Enfin, certains sont d’avis que le discrédit dont souffre le traité de non-prolifération s’explique essentiellement par la répugnance des puissances nanties à s’imposer des contraintes en matière de désarmement et par leur penchant à appliquer d’une manière sélective les dispositions de l’article IV sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Au plan doctrinal, on assiste donc à une « bataille des Anciens et des Modernes », ceux-ci estimant que le régime établi à l’époque de la guerre froide est caduc et qu’il faut emprunter d’autres voies pour lutter efficacement contre la « prolifération opaque » alors que ceux-là restent attachés au cadre tracé par le TNP tout en prônant des réformes qui permettraient de concilier l’impératif de non-prolifération et le droit d’utiliser sans discrimination l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.
Primauté de la diplomatie dans la gestion des crises
La pratique des Etats reflète dans une certaine mesure les variations du débat entre experts et il est significatif que la gestion des crises nucléaires coréenne et iranienne soit placée sous le signe de la diplomatie traditionnelle alors que la première session de la commission préparatoire de la prochaine conférence d’examen du traité qui s’est tenue à Vienne du 30 avril au 11 mai 2007 a servi de cadre à une discussion sur les moyens à mettre en œuvre pour remédier aux carences du système existant. Ainsi des Etats ont proposé de réduire les risques de détournement des matières fissiles à des fins militaires en instituant une gestion multilatérale du cycle du combustible nucléaire et suggéré que le retrait du TNP soit subordonné à des conditions interdisant aux Etats de disposer librement des compétences et capacités acquises sous le couvert de l’article IV. A leurs yeux, de telles mesures permettraient de bannir la crainte de voir des Etats de mauvaise foi se rapprocher du seuil nucléaire en usant de toutes les ressources d’un programme prétendument pacifique et une fois que celui-ci serait arrivé à maturation de s’affranchir des contraintes du traité pour se doter de la bombe.
On relève également que si les grandes puissances ont éludé les problèmes du désarmement pendant la conférence d’examen du TNP de 2005, elles conviennent désormais que des progrès sur cette voie sont nécessaires pour consolider le régime de non-prolifération et que l’obligation de négocier inscrite à l’article VI du traité doit se traduire par des résultats tangibles. A cet égard, l’intervention du Dr Christopher Ford, qui représentait les Etats-Unis à la commission préparatoire de la conférence d’examen du TNP est révélatrice du changement de ton de l’Administration Bush dans le domaine de la maîtrise des armements. Faisant écho à l’article « A world free of nuclear weapons » paru le 4 janvier 2007 dans The Wall Street Journal sous la signature de quatre personnalités ayant exercé des fonctions éminentes dans l’Administration et au Congrès - George Shultz, William Perry, Henry Kissinger et Sam Nunn.- M. Ford n’hésitait pas à évoquer un « monde sans armes nucléaires » et indiquait la voie à suivre pour tendre vers cet objectif. Certes de tels propos sont en porte à faux par rapport à la posture nucléaire des Etats-Unis et rien ne laisse présager que l’Administration américaine soit résolue à amorcer un processus dont le but ultime serait l’élimination de toutes les armes nucléaires. Il n’en reste pas moins que cette prise de position fait droit à la logique qui sous-tend le TNP, à savoir que l’abstinence nucléaire des uns doit être compensée par le désarmement des autres. En tout cas, on ne peut que se livrer à des conjectures sur le destin du régime de non-prolifération, eu égard aux incertitudes relatives au développement des programmes nucléaires de l’Iran et de la Corée du Nord.
Les ambiguïtés de la politique nucléaire iranienne
Depuis l’été 2006, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté trois résolutions respectivement les 31 juillet 2006 (1696), 23 décembre 2006 (1737) et 24 mars 2007 (1747) demandant à l’Iran de mettre un terme à ses activités d’enrichissement de l’uranium et de coopérer avec l’AIEA pour dissiper les doutes relatifs à la nature et à la finalité de ses activités nucléaires. Ces résolutions sont assorties de sanctions exclusives du recours à la force conformément à l’article 41 de la charte de l’ONU et prévoient essentiellement des mesures économiques et financières destinées à entraver la réalisation des programmes nucléaires et balistiques iraniens. Simultanément, les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne, appuyés par le Haut Représentant de l’Union européenne, Javier Solana, ont voulu préserver les chances d’une solution négociée et ont maintenu l’offre de coopération globale faite à l’Iran en juin 2006. Celle-ci visait non seulement l’assistance pour la réalisation d’un programme d’envergure portant sur la recherche, le développement et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques mais envisageait également une coopération étroite avec l’Iran dans les domaines économique, scientifique et technique et l’instauration d’un système de sécurité régionale au Moyen-Orient. Toutefois, les dirigeants iraniens sont restés inflexibles dans l’affirmation de leur droit inaliénable à l’enrichissement de l’uranium et le Ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a déclaré au lendemain de l’adoption de la résolution 1747 du Conseil de Sécurité que « la suspension n’était ni une option, ni une solution » et que les négociations devaient se poursuivre sans conditions préalables.
Il y a donc peu de chances de voir aboutir à bref délai une solution diplomatique de la crise et Javier Solana a laissé entendre après les entretiens qu’il a eus avec le négociateur iranien, Ali Larijani, en avril et en mai 2007, que la reprise de négociations formelles en vue du règlement du contentieux nucléaire se heurterait à des difficultés de taille et que des années s’écouleraient avant qu’un arrangement puisse être conclu. Par ailleurs, le directeur général de l’AIEA, M. El Baradei, a estimé que l’Iran maîtrisait désormais la technique de l’enrichissement de l’uranium et qu’un objectif réaliste serait de contenir son développement sur une échelle industrielle.
Ce propos a indisposé l
s Etats-Unis et leurs alliés qui tiennent toujours pour une renonciation de l’Iran à l’enrichissement de l’uranium et envisagent un renforcement des sanctions édictées par le Conseil de Sécurité pour l’amener à résipiscence. Or, il est permis de douter de l’efficacité de cette méthode pour contraindre l’Iran à renoncer à ses projets et sans doute faudra-t-il prendre acte des percées technologiques qu’il a réalisées si l’on veut parvenir à un accord global en vue de contenir la prolifération des armes nucléaires au Moyen-Orient.
Quant au recours à la force armée pour trancher le différend elle se heurte à des objections majeures au sein des establishments politiques et militaires mais cette option n’est pas écartée par ceux qui sont convaincus que tout doit être mis en œuvre pour empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire eu égard à la rhétorique antisioniste du Président Ahmadinejad et aux risques inhérents à une course régionale aux armes de destruction massive qu’entraînerait inévitablement la décision de Téhéran de se doter de la bombe. C’est sans doute pour écarter cette éventualité que Monsieur El Baradei a pris l’initiative de la conclusion d’un accord entre la République islamique d’Iran et l’AIEA sur « les modalités de règlement des problèmes en suspens ». Cet accord fixe un plan de travail destiné à faire la lumière sur toutes les questions litigieuses et il est entendu que l’Agence de Vienne procédera à une évaluation de la coopération iranienne dans ce domaine selon des procédures et un calendrier convenus entre les deux parties. Si le Directeur général de l’AIEA considère cet arrangement comme un « pas en avant significatif », les Etats-Unis et la plupart de leurs alliés n’y voient qu’un marché de dupes où l’Iran ne chercherait qu’à gagner du temps et à éviter de nouvelles sanctions de l’ONU tout en poursuivant ses activités nucléaires. Il semble bien que le président Ahmadinejad ait confirmé leurs craintes en affirmant dans le discours qu’il a prononcé le 25 septembre 2007 devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York que la « question nucléaire iranienne était close et que l’affaire relevait désormais de la compétence ordinaire de l’Agence de Vienne ».
Des progrès dans le règlement de la crise nucléaire coréenne.
En Asie du Nord-Est, la situation se présente sous un jour différent depuis la conclusion à Pékin de l’accord du 13 février 2007 qui fixe la première étape d’une dénucléarisation pacifique de la péninsule coréenne et confie à cinq groupes de travail le soin de définir les modalités d’application du programme visé par la déclaration commune du 19 septembre 2005. Celle-ci avait été adoptée dans le cadre des négociations multilatérales entamées à Pékin en 2003 entre la Chine, les deux Etats coréens, les Etats-Unis, le Japon et la Russie et prévoyait l’abandon par la Corée du Nord de ses armes nucléaires et des « programmes nucléaires existants » en échange de compensations dans les domaines économique et politique. On reconnaissait notamment à la Corée du Nord le droit d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques aux conditions prévues par le TNP. Par ailleurs, on était disposé à discuter le moment venu de la livraison à Pyongyang d’un réacteur à eau légère et la Corée du Sud renouvelait sa proposition de fourniture d’électricité dans le cadre d’un programme d’assistance énergétique. Enfin, les Six s’engageaient à coopérer en vue de promouvoir la stabilité et une « paix durable » en Asie du Nord-Est.
L’exécution de ce programme avait été différée à la suite du gel à l’automne 2005 des comptes nord-coréens ouverts à la Banco Delta Asia de Macao soupçonnée par le Trésor américain de couvrir des opérations illicites. Le gouvernement de Pyongyang en déduisit que les Etats-Unis ne voulaient pas négocier de bonne foi et refusa de participer aux pourparlers à Six qui furent suspendus jusqu’en décembre 2006. Ce n’est qu’après la conclusion d’un arrangement americano-coréen sur le déblocage des comptes bancaires que les pourparlers multilatéraux sont entrés dans une phase active et ont débouché sur l’accord du 13 février 2007 qui ouvre la voie à un règlement d’ensemble des problèmes de sécurité en Asie du Nord Est.
Aux termes de cet accord, il est prévu, que dans un premier temps, la Corée du Nord mettrait un terme aux activités de ses installations nucléaires à Yongbyon, y compris au retraitement du combustible irradié et autoriserait les inspecteurs de l’AIEA à procéder aux vérifications nécessaires pour garantir le respect des engagements pris. En outre, elle entamerait avec les autres parties une discussion sur l’établissement d’une « liste complète de tous ses programmes nucléaires ». En contrepartie, elle obtiendrait une assistance énergétique sous la forme d’une livraison par la Corée du Sud de 50.000 tonnes de pétrole brut. Enfin, le Japon et les Etats-Unis engageraient séparément des conversations avec la Corée du Nord en vue de normaliser leurs relations et d’apurer les contentieux existants.
Ces mesures auraient du être prises 60 jours après la conclusion de l’accord, mais l’échéance du 14 avril n’a pu être respectée en raison des difficultés qui ont surgi à propos du transfert en Corée du Nord des fonds placés sur les comptes de la Banco Delta Asia. En juin, cet obstacle fut levé grâce à l’entremise de la Russie et les autorités de Pyongyang manifestèrent d’emblée la volonté de mettre un terme aux activités nucléaires sur le site de Yongbyon. De son côté le négociateur américain, Christopher Hill, se rendit en Corée du Nord (22-23 juin) pour renouer le fil du dialogue entre Washington et Pyongyang qui avait été interrompu à l’automne 2002 et accélérer le rythme des négociations en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Dès lors, la voie était libre pour franchir la première étape du processus visé par la déclaration du 13 février et, en juillet, le chef de la délégation de l’AIEA qui s’était rendue en Corée pour surveiller la désactivation des installations de Yongbyon prenait acte du succès de l’opération et se félicitait de la coopération de la Corée du Nord pour garantir l’exécution de l’accord.
La deuxième phase du plan d’action prévoit la divulgation par la Corée du Nord de l’ensemble de ses programmes nucléaires et le démantèlement de toutes ses installations nucléaires, en échange d’une assistance dans les domaines « économique, énergétique et humanitaire ». Celle-ci se traduirait notamment par la livraison d’un million de tonnes de pétrole brut et ses modalités feraient l’objet d’une concertation au sein du groupe de travail sur « l’économie et la coopération énergétique ». Deux autres groupes de travail aborderaient les problèmes relatifs à « la dénucléarisation de la péninsule coréenne » et à l’instauration d’un « mécanisme de sécurité coopérative en Asie du Nord-Est ». Jusqu’à présent peu de progrès ont été enregistrés dans le cadre des discussions au sein des groupes de travail mais les dirigeants de Pyongyang semblent vouloir jouer le jeu de la coopération pour régler les problèmes pendants. Ainsi, la septième session des négociations à Six qui s’est tenue à Pékin du 18 au 20 juillet 2007 s’est déroulée dans une atmosphère détendue et, bien que l’on n’ait pu s’entendre sur un calendrier pour la divulgation de tous les programmes nucléaires, il n’est pas exclu que des mesures à cet effet soient prises avant la fin de l’année. Par ailleurs des experts américains, chinois et russe se sont rendus en septembre en Corée du Nord pour examiner avec leurs homologues les aspects techniques de la désactivation des installations nucléaires.
En dépit de ces signes d’ouverture, de nombreux observateurs considèrent que le comportement des dirigeants de Pyongyang est imprévisible et qu’ils pourraient invoquer le non-respect par les autres parties du principe de progressivité et de réciprocité des mesures convenues pour remettre en question les engagements qu’ils ont pris. Le chemin qui mène vers la création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Corée est donc semée d’embûches et le succès de cette entreprise n’est pas assuré. Toutefois le processus amorcé en février dernier s’est déroulé jusqu’à présent sans encombre et il n’est pas interdit de penser qu’il pourrait être mené à son terme.
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Les considérations qui précèdent ne permettent pas d’accréditer la thèse selon laquelle le TNP a vocation à demeurer le pivot du régime de non prolifération et il est clair que la maîtrise des armements sous sa forme traditionnelle n’est pas la réponse adéquate aux défis du « second âge nucléaire ». Certes, le cadre fixé par le traité est utile dans la mesure où les contrôles renforcés exercés par l’AIEA permettront de déceler les violations les plus flagrantes de ses dispositions et d’adopter éventuellement des mesures coercitives pour rétablir le statu quo ante. Toutefois, on a relevé que de nombreux Etats n’ont pas souscrit au protocole de 1997 qui confère à l’Agence de Vienne des pouvoirs d’investigation accrus pour garantir l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifique. Par ailleurs, des réformes tendant à subordonner à des conditions drastiques le retrait du TNP et à limiter l’accès aux techniques d’enrichissement de l’uranium et de retraitement du combustible irradié ont peu de chances d’être approuvées par les ENDAN en raison de leur caractère discriminatoire. Enfin, l’accord américano-indien du 2 mars 2006 sur « la coopération pacifique dans le domaine de l’énergie atomique » est en porte à faux par rapport au régime institué par le TNP. Si le texte de loi qui doit fixer les modalités de la coopération des industriels américains avec l’Inde est approuvé par le Congrès et si l’AIEA et « le groupe des fournisseurs nucléaires » donnent leur aval à ce projet dérogatoire au droit commun, l’ordre ancien symbolisé par le TNP aura vécu et c’est par d’autres biais que l’on tentera de conjurer les risques du deuxième âge nucléaire. La résolution 1540 adoptée par le Conseil de Sécurité le 28 avril 2004 indique la voie à suivre et comme elle prévoit un large éventail de mesures pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive et privilégie une approche pragmatique pour les mettre en oeuvre, elle pourrait préfigurer l’organisation d’un nouvel ordre nucléaire.
Jean Klein
Professeur émérite de l’Université Paris1
Chercheur associé à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI)
Indications bibliographiques :
- Sharam Chubin : « Iran’s nuclear ambitions » - Carnegie Endowment for International Peace, Washington, 2006.
- Harald Müller : « Multilateralisierung des Brennstoffkreislaufs : Ein Ausweg aus den Nuklearkrisen ? » - Hessische Stiftung Friedens- und Konfliktforschung, Report 10/2006, Francfort sur le Main.
- « Die neue Welt der Atommächte » - Dossier publié dans « Internationale Politik », Deutsche Gesellschaft für auswärtige Politik, Berlin, N°8, août 2006.
- « Friedensgutachten 2006 » - Rapport sur les questions internationales publié par cinq Instituts et centres de recherches allemands – LIT Verlag, Berlin, 2006
- « Thinking about ‘enlightenment’ and ‘counter-enlightenment » in nuclear policies » - Dossier Publié dans « International Affairs », Vol 83, N°3
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